Hard rock & reggae

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Le but de ces textes est de proposer au fan d'indie rock des pistes pour explorer des styles de musiques qu'a priori il ignore, méprise ou hait: le reggae et le hard rock. Gasp!!!

Rassurez-vous, je fais partie des gens dont l'éducation musicale adolescente a été en très grande partie assurée par les Inrockuptibles "formule bimestrielle"... J'ai désormais grâce a eux un goût en indie rock très sûr (rires), mais je me suis aussi aperçu qu'il existait plusieurs domaines de la musique pop dont ils ne parlaient jamais, ou alors uniquement en mal... en particulier le hard rock et le reggae. Naïvement, je pensais qu'ils avaient raison et longtemps j'ai cru que ces genres musicaux n'avaient engendré que des nullités. Ils m'ont trompé, et même si ça faisait partie d'une logique éditoriale, je leur en veux un peu.

Il faut cependant préciser à leur décharge que depuis quelques années, avec l'arrivée de Francis Dordor dans leur rédaction, les Inrockuptibles "formule Télérama" ont publié de très bons papiers sur le reggae (dont un beau numéro hors série consacré à Bob Marley). Il y a également eu récemment un article de Stéphane Deschamps sur Led Zeppelin assez surprenant...

Je suis progressivement devenu aficionado de reggae depuis quelques années quand, très déçu par les disques vantés par les Inrocks (Wake Up des Boo Radleys est un beau navet ne trouvez-vous pas???), j'ai pu changer d'air grâce à des amis connaisseurs bien intentionnés qui m'ont fait écouter les disques cruciaux du répertoire, ce qui m'a permis de surmonter mon allergie primitive à Bob Marley. Je le place désormais très haut dans mon panthéon personnel de fan de musique et de musicien.

Le hard rock, je suis en plein défrichage depuis deux ou trois ans, suite à une réécoute moins "Inrockuptiblement correcte" de Nirvana et des Pixies et à la découverte des Queens of the Stone Age, dont l'album Songs For The Deaf est l'une des grandes réussites de l'année 2002.

Ces genres nécessiteront peut-être (ça a été mon cas) au fan d'indie rock une période d'acclimatation, parce que l'esthétique en est souvent diamétralement opposée (production, imagerie...). Donc, si à la première écoute, Sabotage de Black Sabbath vous semble affreux, ne me maudissez pas tout de suite! Forcez-vous un peu, réécoutez-le plusieurs fois en remisant vos préjugés et vous découvrirez des choses qui enrichiront votre vocabulaire musical.

Table:

Led Zeppelin
Black Sabbath
Bob Marley
Lee Perry
Prince Far I

 

Led Zeppelin

 

Longtemps j'ai détesté Led Zeppelin. C'était le groupe préféré de gens dont je méprisais les goûts musicaux: ils écoutaient plein de vieux trucs 70s passéistes, et refusaient de reconnaître les qualités de Portishead ou Massive Attack.

Les groupes rock que j'aimais, souvent influencés par le Velvet Underground, avaient généralement peu d'influences blues apparentes et pratiquaient une sobriété instrumentale voulue ou due à leur manque de technique. Au contraire, Led Zeppelin était un groupe pillant le répertoire du blues, au jeu exubérant, tous ses membres possédant un grande maîtrise de leur instrument et n'hésitant pas à le démontrer de manière parfois ostentatoire.

Since I've Been Loving You, une de leurs chansons archétypales, me faisait horreur, par sa longueur et ses parties de guitare démonstratives, sans compter les hurlements du chanteur qui me faisaient penser à une sirène de pompiers. Les seuls morceaux que j'appréciais vaguement étaient les courts (Communication Breakdown, ce genre) ou bizarrement leur reggae idiot (D'yer Mak'er) dont j'adorais la mélodie.

Maintenant que suis moins snob, j'aime beaucoup ce groupe, dont la musique est très addictive. Je me suis habitué au chant de Robert Plant, jusqu'à le trouver excellent (en particulier sur les enregistrements live). Il incarne le prototype du chanteur de hard rock, est parfois insupportable, mais chante souvent très bien et son charisme surpuissant transpire de leurs enregistrements. Dire que la section rythmique était une des meilleures du rock est un cliché mais c'est difficile à nier: le beat n'est pas seulement éléphantesque, il est aussi d'une souplesse féline... Quant à Jimmy Page, il continue à fasciner les apprentis guitaristes, pour le meilleur (sens du riff accrocheur) et pour le pire (soli de guitare un poil pénibles). La musique de Led Zeppelin est lourde, mais le sens mélodique, l'invention rythmique, la dynamique des compositions et la puissance de l'interprétation la rendent irrésistible. Leurs défauts sont leurs qualités, ce qui en fait un très grand groupe (me suivez vous dans ce raisonnement?). Même les paroles, farcies d'allusions sexuelles ou mystiques un peu bêtes, sont régulièrement hilarantes.

Le groupe a souvent été poursuivi en justice par de vieux bluesmen pour avoir plagié leurs morceaux. Nombre des morceaux signés Page / Plant étaient en fait des reprises ou des adaptations, ils ne le disaient pas à l'époque, c'est très mal (les crédits des chansons ont été modifiés sur les rééditions CD)... Mais leur manière de s'approprier le blues, toute testostérone dehors, n'appartient qu'à eux.

Led Zeppelin, fondé en 1968 par le guitariste de session "vétéran" (24 ans à l'époque) Jimmy Page, regroupait le bassiste et organiste John Paul Jones, et les très jeunes Robert Plant (chant) et John 'Bonzo' Bonham (batterie). En 1980, ce dernier, devenu alcoolique et dépressif, s'est étouffé dans son vomi, à la suite de quoi le groupe s'est séparé. Je vous épargne davantage de détails sur l'histoire du groupe, c'est très rock'n'roll, mais ça dessert leur musique. Ceux que ça intéresse peuvent trouver des tas d'informations à ce sujet en tapant "Led Zeppelin" sur Google... Je ne parlerai ici que de leurs disques, album par album, en omettant leur deux derniers (Presence et In Through The Out Door) que je connais mal. Ils contiennent quelques bonnes choses, mais on les sent au bout du rouleau...

 

Led Zeppelin - 1969

 

Leur premier album contient à peu près tous les germes de leur développement futur. On y trouve en particulier:
- Deux chansons courtes et brutales, sans fioritures: Good Times Bad Times, Communication Breakdown.
- Babe I'm Gonna Leave You, une ballade "multiparties", c'est-à-dire avec des passages acoustiques doux et des passages électriques violents, style auquel appartient Stairway To Heaven. Comme cette dernière, cette chanson souffre d'être surdiffusée (sur Oui FM je pense qu'elle passe tous les jours). C'est malgré tout un grand classique, et la fin du morceau est magnifique.
- Dazed And Confused, un morceau sombre et lourd, prétexte à l'utilisation d'un archet de violon sur guitare électrique... En live, ce morceau devenait un monstre de plus de 20 minutes quelque peu indigeste... Ici il en dure 6 et c'est bien.

Malgré ces titres de haut vol, l'album est dévalué par quelques blues électriques un peu stéréotypés (How Many More Times, I Can't Quit You Baby, You Shook Me - le meilleur du lot) et un truc vaguement hippie sans intérêt (Your Time Is Gonna Come).

La production, assurée par Jimmy Page comme sur tous leurs albums, est excellente et n'a pas vieilli, certainement parce que:
- L'album, comme tous les autres, a été très soigneusement remasterisé pour CD par le guitariste.
- Le mix est très bass-heavy, ce qui apporte du liant au son (c'est standard aujourd'hui, mais ce n'était pas habituel à l'époque - cf. les albums d'Hendrix ou de Cream pour rester entre guitar heroes).

 

II - 1969

 

Cet album, sorti la même année, est assez similaire au premier dans sa construction et son contenu. Il est à mon avis supérieur car:
- Les bonnes chansons sont meilleures et plus nombreuses: en particulier Whole Lotta Love, Living Loving Maid et Heartbreaker, qui contiennent peut-être les riffs les plus jouissifs jamais joués - le Seven Nation Army des White Stripes peut aller se rhabiller.
- Il y a moins de mauvaises chansons. Thank You, ballade vraiment médiocre, est sauvée par un final intéressant, Ramble On et Bring It On Home ne sont pas si nazes... Mais la ballade vraiment convaincante du disque est What Is And What Should Never Be, une merveille de finesse (si, si!!!).
- La production est encore aujourd'hui une référence. Elle force encore plus sur les fréquences basses et n'a pas perdu de sa puissance incroyable. A propos, les lignes de basse de John Paul Jones sur ce disque sont des modèles de groove et d'intelligence. Si vous n'êtes pas musicien, vous vous en foutez sûrement, mais finalement ça compte...

 

III - 1970

 

Le disque "folk" de Led Zeppelin, peut-être mon album préféré avec le cinquième (Houses Of The Holy). Beaucoup plus calme et acoustique que les deux précédents, c'est sans doute le plus accessible et le moins dépaysant pour un indie fan. Commencez par celui-là si vous voulez commencer...

Pour faire bonne mesure quand même, il s'ouvre sur Immigrant Song, leur chanson de style "hard rock court et brutal" la plus hallucinante. A-A-AAAAAH, AAAAAAAH hurle Robert Plant, et on s'y croirait (au milieu d'une bataille de vikings, oui je sais c'est idiot, mais le rock est affaire d'idiotie et d'instincts primaires, ne l'oublions pas). Suit Friends, un morceau acoustique (guitare, percussions, cordes) rythmiquement complexe, à l'ambiance vaguement orientale, réellement magique. On enchaîne par un drone (une idée de production assez géniale et complètement accidentelle - ce bruit fut mis paraît-il pour remplacer une partie de guitare effacée par erreur) sur Celebration Day, qui accélère le rythme et prépare à Since I've Been Loving You, long blues électrique dont je parlais en introduction. On peut trouver Since... gonflante, mais elle recèle une puissance incroyable et la gestion des dynamiques est balèze. Euh!!!!! Out On The Tiles, un riff rock efficace, clôt la face A.

La face B recèle des perles folk, ballades paisibles ou morceaux plus rythmés, tous a dominante acoustique: Gallows Pole, Tangerine, That's The Way, Bron-Y-Aur Stomp. Ca fait penser à la face A de Meddle de Pink Floyd. On termine par Hats Off To (Roy) Harper, sorte de blues acoustique expérimental bizarre qu'on peut trouver inconsistant mais qui conclut bien le disque. Le tracklisting est vraiment parfait, il y a une cohésion, une logique qui rendent l'album globalement meilleur que chacune de ses parties.

 

(Sans titre) - 1971

 

L'album avec la pochette dite du "vieux à fagot", le best seller, l'album qui contient tous les morceaux les plus connus (rabâchés): Stairway To Heaven, Black Dog, Rock'n'Roll, The Battle Of Evermore, Misty Mountain Hop) Ce côté "best of du rock à papa" est un peu fatigant, le chant de Robert Plant est parfois vraiment irritant (pour moi ça dépend de l'humeur...) et je trouve que la production est moins réussie que sur les albums précédents. Bon, je ne vais pas m'éterniser sur cet album que tout le monde a.

Mention spéciale tout de même au morceau final When The Levee Breaks, au son de batterie INCROYABLE (qui a d'ailleurs été samplé et resamplé).

 

Houses Of The Holy - 1973

 

Peut-être mon album préféré avec III. C'est en tous cas leur disque le plus surprenant, le plus léger et le plus drôle. Il contient des morceaux "sérieux" et épiques, comme The Song Remains The Same, The Rain Song ou No Quarter (tous très différents les uns des autres, et tous excellents), mais aussi des exercices de style assez comiques (D'yer Mak'er, un reggae hilarant, The Crunge, où Robert Plant se lance dans une parodie savoureuse de James Brown). L'album se termine par The Ocean, qui commence hard rock et finit doo wop, une de leurs chansons que je préfère.

On les sent au top de leur forme de musiciens... et, ayant vendu des millions de disques, au lieu de sortir un truc prétentieux, ils s'amusent. Ca fait plaisir.

 

Physical Graffiti - 1975

 

Un double album... Ca devait arriver... L'histoire, c'est que les morceaux prévus étaient trop longs pour tenir sur un simple 33 tours, et ne voulant pas couper, ils décidèrent de fabriquer un double en ajoutant des inédits issus des sessions d'enregistrement des albums précédents.

Disque adoré (certains le considèrent comme leur meilleur) ou détesté, il contient de très bons morceaux (Trampled Underfoot ou Kashmir sont des sommets), et d'autres un peu "chutes de studio", mais ce qu'il y a d'étonnant c'est que ce ne sont pas les mêmes pour tout le monde!!! Globalement cependant, il n'y a plus la même fraîcheur que sur les disques précédents. Vous me direz que c'est bizarre, puisqu'il y a des titres datant d'époques diverses... c'est peut-être à cause de la durée du disque.

Cet album a la réputation d'être un album très hard. Custard Pie, The Rover ou The Wanton Song sont effectivement très brutales, mais il ne faut pas généraliser: le deuxième disque contient plein de chansons laid back (In The Light, Bron-Yr-Aur, Down By The Seaside) parfois anecdotiques, mais souvent assez plaisantes.

Quoi qu'il en soit, il y a une ambiance très "live in the studio", un peu comme sur le Exile On Main Street des Stones. Lorsque j'écoute In My Time Of Dying, très longue jam de plus de 11 minutes, je trouve ça parfois complaisant, mais d'autres fois génial, sans pouvoir me faire un avis définitif... C'est un peu symptomatique de ce disque, imparfait, épuisant, mais attachant.

 

Black Sabbath

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Avec Led Zeppelin et Deep Purple, ils formaient le triumvirat du hard anglais 70s... Ils furent les précurseurs du death metal avec leur imagerie satanique (dont je ne parlerai pas parce que c'est vraiment crétin). Je ne connais absolument pas toute leur discographie, le groupe conduit par le guitariste Tommy Iommi ayant continué avec un personnel constamment renouvelé à sortir d'innombrables disques (à la très mauvaise réputation) dans les années 80-90.

Je ne parlerai que du Sabbath "classique", avec en plus du susnommé guitariste, l'inénarrable Ozzy Osbourne au chant, Terry 'Geezer' Butler à la basse (et aux paroles) et Bill Ward à la batterie.

Contrairement à Led Zeppelin, Black Sabbath n'est généralement jamais cité dans les classements du style "les 100 meilleurs disques rock du monde". Techniquement ils ne font pas le poids, et leur musique est bien plus fruste. Lourde, répétitive, elle a un côté irrémédiablement bêta et cancre. Quant aux paroles, elles sont encore plus idiotes que celles de Robert Plant... à propos, elles semblent généralement être contre les forces diaboliques et non pas pour (bien qu'elles soient assez confuses). Le diable y est une métaphore explicite de la société moderne, de la guerre ou de la pollution.

Malgré tous ces handicaps, Black Sabbath est un groupe fascinant. Il faut s'habituer à leur son "heavy metal": aujourd'hui on en a entendu d'autres, mais à l'époque il n'y avait pas grand'chose d'aussi lourd et sombre. La recette de ce son, c'était tout simplement d'accorder les instruments un ton et demi au-dessous de la normale - un peu comme le Velvet Underground. Les mélodies ne sont pas toujours de la plus grande subtilité, il faut s'habituer à une certaine pompe, tempérée par un étrange côté "ivre". C'est difficile d'expliquer pourquoi, mais il y a vraiment quelque chose d'aviné dans la musique de Black Sabbath. C'est dû en partie au style de jeu du batteur, qui au lieu de marquer le tempo, fait la plupart du temps un accompagnement "orchestral" un peu chaotique. C'est dû au son de guitare gras et sourd de Tommy Iommi (un des apôtres de la Gibson SG - comme Angus Young de AC/DC et Bernard Sumner de New Order!!!!!). C'est aussi dû à la voix de Ozzy Osbourne. Il faut vraiment du temps pour s'habituer à cette voix, à la fois criarde et plaintive, très désagréable au début.

Mais en définitive, ces hurlements incertains et apeurés rendent le résultat final extrêmement intéressant. Sans Ozzy Osbourne, Black Sabbath est devenu un groupe banal. Ce mélange de brutalité et de fragilité, ça ne vous rappelle rien? Eh oui: Black Sabbath a eu une énorme influence sur Nirvana.

 

Black Sabbath - 1970, Paranoid - 1970, Master Of Reality - 1971

 

Je vais parler de tous ces disques en même temps parce qu'ils se ressemblent beaucoup. Passons rapidement sur le premier album qui a une couleur un peu plus blues que les autres. Du sous-Hendrix sur fond de film d'horreur - je suis un peu méchant: comme pour le premier Led Zeppelin, l'écriture manque souvent d'originalité mais le morceau d'ouverture Black Sabbath est un classique qui annonce tout ce qui va suivre. "OH NO!!!" chante un Ozzy terrifié au milieu de guitares sinistrissimes rythmées par un glas lointain.

Les deux suivants définissent ni plus ni moins le heavy metal. Sauf qu'à l'époque le genre et ses clichés n'existaient pas encore! On y entend donc du rock, du funk et même de saisissantes prémonitions de Joy Division, comme à la fin de War Pigs sur Paranoid. La chanson Children Of The Grave sur Master Of Reality est également exemplaire: elle est basée sur un riff qui a inspiré des wagons de morceaux heavy metal (tum, tugudugudum, tugudugudum, tugudugu TU DUM), mais elle reste passionnante car tout un tas de détails inventifs l'animent, tels ces roulements de timbales légèrement désaccordées ou ces accès de guitare à contretemps.

Aux premières écoutes pourtant ces disques semblent maladroits et paradoxalement vides: on a l'impression que les musiciens ne sont pas bien en place et que ça manque de substance. Mais quelques écoutes plus tard il n'y paraît plus, ça ROCKE (me fais-je bien comprendre???). Je ne sais pas vraiment expliquer ce phénomène. La lenteur et la lourdeur des morceaux est sûrement en cause. Peut-être est-ce aussi dû au fait que pour bien apprécier ces disques il faut le temps de mémoriser les structures des morceaux, qui alignent plusieurs parties différentes. L'intérêt de cette musique tient en effet dans ces moments où l'auditeur est emporté (ou écrasé) par une puissance implacable. Celle-ci se manifeste dans un changement de tempo, un nouveau motif mélodique, un solo de guitare, ou toute autre rupture. Et c'est encore meilleur quand on connaît bien le disque et qu'on ATTEND ce moment! Il va sans dire que ça marche parce que chaque partie de chaque morceau est bien écrite, basée sur des riffs d'une efficacité démoniaque (hum), et s'emboîtant parfaitement avec les autres. Outre les morceaux heavy, les deux disques contiennent des ballades presque identiques (Planet Caravan et Solitude), écrites sur deux accords. On pense que ça va être nul, mais non! Ca fonctionne! Ozzy Osbourne est convaincant, et la production est remplie de détails qui font mouche - petits bruits, percussions, flûtes, pianos subliminaux.

Paranoid est en Mi, et Master Of Reality en Do dièse: c'est entre ces deux albums qu'ils ont baissé l'accord de leurs guitares. Ca fait toute la différence (rires). Blague à part, Master... est peut-être légèrement meilleur, car très court et ramassé (8 titres dont 2 instrumentaux "intermèdes" en moins de 35 minutes), mais ils méritent tous deux leur place dans une bonne collection de disques.

 

Vol. 4 - 1972

 

Comment rendre justice à cet album? Il souffre d'un physique ingrat: même s'il commence à utiliser d'autres armes que les traditionnelles guitares-basses-batteries, le groupe sonne un peu maigrichon. Ca manque de fréquences basses (un comble pour un album de heavy metal). D'autre part les chansons ne sont pas aussi évidemment (stupidement?) tubesques que sur les deux disques précédents.

Il faut surtout parler de Changes, qui est assez incroyable. C'est une ballade au PIANO, et pincez-moi si je rêve, ça ne me fait pas du tout penser à Scorpions, mais à Brian Wilson!!! Le timbre de voix d'Ozzy Osbourne est assez proche. Bien sûr, le Beach Boy en chef aurait composé quelque chose de beaucoup plus subtil, mais je trouve cette chanson émouvante, malgré des paroles qu'on peut qualifier de débiles - mais j'ai un faible pour les choses "simples".

En fait ce disque annonce les deux suivants. Lisez!

 

Sabbath Bloody Sabbath - 1973

 

Bof... presque beurk! Tout est plus ou moins raté, y compris la pochette (une inspiration pour toutes celles de Iron Maiden...)

Soniquement c'est encore plus varié que sur Vol. 4,: on entend des guitares acoustiques, des synthétiseurs, des pianos et même des violons! Rick Wakeman de Yes joue sur Sabbra Cadabra!!! Bref c'est progressif. Pourquoi pas, sauf que les morceaux sont des boogies lourdauds dont les parties se succèdent sans arriver à fusionner, les mélodies vocales sont pénibles et quelqu'un (ils produisent eux-mêmes le disque) a eu la mauvaise idée d' "agrémenter" la voix du chanteur d'effets divers et même de lui faire chanter des overdubs à la tierce, ce qui la rend insupportable.

Musicalement le ton est détendu et badin, presque gai (malgré des paroles tristounettes), et c'est peut-être ça qui finit de planter l'album. Intéressant tout de même... pour essayer de comprendre ce qui différencie un bon disque d'un médiocre (vraiment pas grand'chose parfois).

 

Sabotage - 1975

 

Ma première exposition à Black Sabbath, sur la foi d'une pochette très réussie... Avant-avant dernier album avec Ozzy Osbourne, c'est un disque très bizarre: un mélange de heavy metal, de rock progressif et de psychédélisme alcoolisé. Hein??? J'avoue avoir été très déçu à la première écoute. La voix geignarde d'Ozzy est mixée très en avant. Les chansons sont longues, leurs différentes parties semblent se succéder un peu naïvement. C'est parfois pompier (Supertzar, discutable instrumental avec chœur classique). Mais quelque chose se passe tout de même...on y revient un peu honteux (qu'est ce que c'est couillon cette musique)... mais finalement on réécoute encore... Maintenant que je n'ai plus honte et que je connais mieux leur répertoire, je peux le dire: c'est un de leur meilleurs albums, et leur plus ambitieux.

Il y a un parfum de lendemain de cuite, de désespoir absolument sincère, qui sauve le disque du ridicule et de la grandiloquence. Il y a également une utilisation avisée et parcimonieuse de sons inattendus (synthétiseurs, pianos, guitares acoustiques, rires démoniaques) qui surprennent tout en garantissant l'ambiance sombre.

La début du disque est remarquable: ça commence brut de fonderie avec Hole In The Sky, un morceau ultra heavy, puis on enchaîne avec Don't Start (Too Late), intermède instrumental à guitares acoustiques qui conduit au riff métallique de Symptom Of The Universe (quel titre!), qui se transforme à son tour en un groove acoustique funky étonnant, incongru à la première écoute, mais imparable ensuite. Puis vient l'énorme et sinistre Megalomania, avec ses empilements de voix et son final à la fois grossier et grandiose.

La suite est peut-être moins percutante, le single Am I Going Insane (Radio) est un peu faiblard, mais le dernier morceau de l'album, The Writ, est une réussite dans le genre glauque avec sa basse liquide.

 

 Bob Marley and the Wailers

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Comme Led Zeppelin, mon problème avec Bob Marley c'est que les gens qui écoutaient ça quand j'étais lycéen étaient vraiment de pauvres types. Enfin du moins je trouvais. Du coup, je n'en connaissais que la tarte à la crème No Woman No Cry et ça ne m'intéressait pas.

Je suis venu à Bob Marley très progressivement, en commençant à apprécier certains groupes vocaux "classiques" du reggae (les Gladiators, les Mighty Diamonds, les Heptones), à la sensibilité très soul et pop, et en découvrant à partir de là les enregistrements des Wailers du début des 70s sortis par le label anglais Trojan.

Pour le fan d'indie rock, je pense que ces enregistrements sont plus accessibles que les albums dits de "reggae international" sortis sur Island à partir de 1973 qui ont fait la renommée de Bob Marley.

Sur les albums Trojan la production de Lee Perry privilégie les arrangements épurés: basse et charleston en avant, rythmique parcimonieuse au piano ou à la guitare électrique, harmonies vocales assurées par les trois chanteurs Bob Marley, Peter Tosh et Bunny Livingstone (AKA Bunny Wailer). Du coup la qualité stratosphérique du songwriting saute peut-être davantage aux yeux d'une oreille à la sensibilité "rock" (si je puis m'exprimer ainsi!!!) que sur les superproductions Island.

Une fois qu'on s'est infusé ces albums et qu'on en a profité pour se familiariser aux autres productions Lee Perry des 70s on peut passer aux albums Island des Wailers. Ceux-ci, enregistrés dans des studios mieux équipés avec un groupe plus étoffé, ont un son beaucoup plus froid, presque "variété" qui peut rebuter au premier abord. Mais il faut insister, ça vaut vraiment le coup. Bob Marley était un ineffable mélodiste. Les gens qui n'aiment pas le reggae lui reprochent souvent d'être "toujours pareil". En effet, les chansons sont généralement harmoniquement simples, pas plus de deux ou trois accords par morceau... en revanche, les mélodies vocales de Bob Marley sont à tomber.

Par ailleurs le timbre de sa voix, ses textes toujours très simples mais justes, d'une sincérité et d'une honnêteté évidentes, véhiculent un mélange de tristesse, d'espoir, de souffrance et de joie qu'il est vraiment impossible de ne pas aimer.

Ces albums m'ont appris que le modèle de songwriting "Beatles" ou "Beach Boys" (harmonies complexes, nombreux changements au sein de la chanson) n'est pas le seul viable. Le songwriting de Bob Marley est d'une grande simplicité, et d'une grande pureté. Ce modèle est sans doute plus exigeant pour les interprètes, et le groupe de Bob Marley est à la hauteur: en particulier les frères Barrett transfuges des Upsetters (Aston à la basse et Carlton à la batterie) constituent, de même que leurs célèbres confrères Sly Dunbar et Robbie Shakespeare, une des sections rythmiques "classiques" du reggae.

 

African Herbsman, Soul Rebels, Rasta Revolution - 1970-1972

 

Tous ces disques Trojan contiennent des chansons enregistrées entre 1970 et 1972 par les Wailers (Bob Marley, Peter Tosh, Bunny Livingstone) et le producteur Lee 'Scratch' Perry avec les musiciens de son groupe, les Upsetters.

C'est un peu le bordel dans le catalogue Trojan... Je possède les CD African Herbsman (CDTRL62) et Rasta Revolution (CDTRL89) publiés en 1988. Ce dernier contient tous les morceaux de Soul Rebels sauf un (My Sympathy, instrumental de 400 Years), avantageusement remplacé par les deux hits Mr Brown et Duppy Conqueror.

Les albums Soul Rebels (pochette avec une femme aux seins nus brandissant une mitraillette) et African Herbsman ont été réédités récemment avec remasterisation aux petits oignons et ajout de titres inédits. Il paraît que le résultat est superbe, mais les deux CD sortis en 1988 sont toujours disponibles sur le site de Trojan pour beaucoup moins cher!!!

En 1998 le label JAD (pas 4AD !!!!!) a publié via EMI une très impressionnante série de 10 albums regroupant chronologiquement pratiquement tous les enregistrements des Wailers entre 1967 et 1972 (c'est-à-dire avant la signature avec Island, donc y compris leur travail avec Lee Perry). Ces albums, à la qualité sonore paraît-il excellente, chroniqués dans le hors série Bob Marley des Inrocks (qui ne parlait pas des albums Trojan, bizarre...) ont disparu de la circulation, mais à en croire les informations sur le site de JAD on peut penser que de nouvelles anthologies seront publiées à plus ou moins court terme. En tous cas ces albums avaient beau aligner des tonnes de versions différentes d'un même morceau (je ne sais pas si c'est bien indispensable), ils avaient néanmoins quelques lacunes dues à des problèmes juridiques!

Toutes ces histoires donnent quelques notions sur l'honnêteté générale dans l'industrie du disque...

Quoi qu'il en soit, les enregistrements des Wailers avec Lee Perry sont extraordinaires et révolutionnaires, et c'est par là qu'il faut commencer. Avec ces chansons, le groupe et son producteur ont en fait inventé le reggae. Le son très particulier, à la fois sale et cotonneux, est dû aux limitations techniques des studios jamaïcains, souvent équipés d'un magnétophone 4-pistes rudimentaire. En recopiant les pistes les unes sur les autres pour gagner de la place, Lee Perry obtenait un son détérioré, lo-fi. Il a su utiliser ces défauts à son avantage.

Personnellement je préfère l'album African Herbsman (dans sa version originale ou remasterisée, ça dépend de vos moyens) sur lequel il y a plus de morceaux.

Je ne parle pas du travail pré-Lee Perry des Wailers, je ne saurais vraiment pas conseiller un disque. Pourtant, d'après ce que j'en ai entendu sur l'anthologie Songs Of Freedom sortie par Island il y a quelques années (et toujours disponible), ça vaut aussi le coup. Le jour viendra peut-être où le catalogue Marley complet sera facilement accessible...

 

Catch A Fire - 1973

 

Le premier disque Island des Wailers est le premier vrai album de reggae à être publié internationalement. Bob Marley est toujours accompagné au chant par Peter Tosh (qui signe le magnifique 400 Years et le très soul Stop That Train) et Bunny Livingstone. Les frères Barrett assurent la rythmique. On entend des choristes, probablement les I Threes, mais pas de trace de femmes sur les crédits pochette!!! (Je n'ai pas l'album réédité "luxe" en 2001).

Voulant les vendre comme un groupe rock, le directeur d'Island Chris Blackwell décida de changer le nom "Bob Marley and the Wailers" en "The Wailers" et de faire ajouter des overdubs de guitare rock et d'orgue (par des musiciens américains non crédités) sur les bandes enregistrées en Jamaïque. Le résultat est convaincant, mais pas très rock quand même. C'est musicalement très détendu, la violence résidant surtout dans les textes. Exemples:

"Concrete jungle, where the living is harder, man you got to do your best.
No chains around my feet, but I'm not free."
(Concrete Jungle)
"Today they say that we are free, only to be chained in poverty.
Good God, I think it's illiteracy. It's only a machine that makes money."
(Slave Driver)

 

Burnin' - 1973

 

Ce disque, qui contient les énormes Get Up Stand Up et I Shot The Sheriff (popularisé à l'époque en Grande Bretagne par la reprise - très moyenne à mon avis - de Clapton), reprend les recettes sonores (et probablement le personnel?) du précédent. Le ton est globalement plus brutal: meurtre du shérif, Burnin' And Lootin', soit "incendie et pillage". La qualité de l'album est un peu dévaluée par deux titres soul assez moyens interprétés par Bunny Livingstone: Hallelujah Time, duo un peu niais avec Bob Marley et Pass It On, dans la même veine sirupeuse.

Il contient cependant de bonnes relectures des grands Put It On, Small Axe et Duppy Conqueror (les versions enregistrés avec Lee Perry quelques années plus tôt me semblent plus percutantes, mais ça se discute) et le morceau final Rastaman Chant est une merveille.

 

Natty Dread - 1974

 

Bunny Livingstone et Peter Tosh éjectés, Bob Marley se retrouve seul maître à bord. Certains considèrent cet album comme son meilleur, mais je ne trouve pas. Il n'y a pas de titres faibles, mais l'ensemble est moins fort que certains des ses albums suivants. Mention spéciale tout de même aux géniaux Them Belly Full (But We Hungry) et Rebel Music (3 O'Clock Road Block).

Les crédits des morceaux citent des noms bizarres: No Woman No Cry par un certain "V. Ford". Il s'agit d'une magouille de Bob Marley qui voulait éviter de se faire spolier de ses droits d'auteur par l'éditeur Cayman Music: de cette manière les droits allaient à des proches qui lui reversaient ensuite l'argent.

 

Rastaman Vibration - 1976

 

J'adore ce disque, qui a popularisé Bob Marley aux USA. Peut-être parce que c'est le premier que j'ai vraiment écouté (et détesté au début). Je le trouve très supérieur à Natty Dread parce qu'il y a une vraie progression au cours de l'album.

Ca commence très gaiement avec Positive Vibration et Roots Rock Reggae où Bob Marley chante "je veux voir cette chanson dans le top 100". Le ton devient ensuite beaucoup plus sombre avec Johnny Was (la mère de Johnny pleure son fils assassiné), Cry To Me (pleurs de la femme adultère), Want More (vous en voulez toujours davantage, mais pourquoi?), Crazy Baldhead (les politiciens ne pensent qu'à eux-mêmes), Who The Cap Fit (illustration du proverbe "l'habit fait le moine"), Night Shift (évocation des expériences de Bob Marley à l'usine), War (mise en musique d'un discours pacifiste du dictateur Hailé Sélassié, empereur d'Ethiopie et messie Rasta), et Rat Race (dénonçant l'agitation destructrice et les turpitudes de la vie moderne: "in the abundance of water, the fool is thirsty").

Même si les thèmes sont graves, on ne sombre jamais dans le lourdingue, parce que:
- Les paroles sont toujours très simples, juste quelques phrases ouvertes à l'interprétation (dans le paragraphe précédent, certains commentaires entre parenthèses se discutent).
- La musique est lumineuse. TOUTES les chansons sont des chefs d'œuvre de finesse mélodique. Aux premières écoutes j'avais trouvé le disque insipide... même si les arrangements sont très parcimonieux, il faut un peu de temps à l'indie rocker pour s'habituer aux chœurs féminins des I Threes, à l'orgue, aux cuivres, aux percussions, à toutes ces choses qu'on ne trouve pas dans un disque des Smiths mais qui sont l'essence de la musique de Bob Marley.
- L'interprétation de Bob Marley et des musiciens est parfaite, d'une légèreté et d'une conviction incroyables. Par exemple, le scat et les percussions bizarres sur Crazy Baldhead sont des traits de génie qui provoquent une émotion rare.

 

Exodus - 1977

 

Ce disque est avec raison considéré comme un chef d'œuvre de la maturité artistique. Natural Mystic, une des plus belles chansons de Bob Marley, ouvre l'album sur un "fade in" très inspiré. Quels sont les autres sommets du disque? Il y a Exodus, marathon reggae-funk qu'on peut rapprocher du Papa Was A Rolling Stone des Temptations. Tout le monde connaît ce morceau mais malgré sa surdiffusion il n'a pas perdu de sa puissance. Il y a Jamming, un morceau très dansant, et le romantique Waiting In Vain, un vrai délice. Turn Your Lights Down Low est un slow un peu caricatural, mais l'interprétation toute en finesse sauve les meubles. L'album finit sur un Three Little Birds très pop et un medley One Love / People Get Ready (cette dernière étant une reprise de Curtis Mayfield) que je trouve parfois poussif mais correct tout de même.

Pour conclure, personnellement je trouve que l'enchaînement So Much Things To Say / Guiltiness avec Bob Marley qui chante de plus en plus vite est tout simplement génial. Qu'en pensez-vous?

 

Kaya - 1978

 

Je ne possède pas ce disque, mais je l'ai tout de même souvent écouté. Il y a plusieurs reprises de vieux morceaux enregistrés avec Lee Perry (Kaya, Sun Is Shining, Satisfy My Soul...) et un tube planétaire (Is This Love). Mais je ne suis pas convaincu, c'est un peu trop léger. Peut-être faudrait-il que j'y revienne...

 

Survival - 1979

 

Il figure dans mon tiercé d'albums Island préférés avec Rastaman Vibration et Uprising. C'est un album très uni, peu de titres sortent du lot tant la qualité est constante. Le ton est un peu à la prêche (So Much Trouble In The World, Babylon System, Africa Unite... tout est dit dans les titres), il n'y a pas beaucoup d'humour, ce qui peut rebuter (moi je m'en fous des sermons, et en plus généralement je trouve qu'il a raison), mais les mélodies, les mélodies... elles sont magnifiques.

On pouvait lire dans le hors série Marley des Inrocks que ce disque est "une nobélisation virtuelle de Bob Marley". Ce n'est pas faux. Mais il était également précisé que c'est "le préféré de ses enfants".

De toutes façons, n'ayez pas peur, Bob Marley ne peut physiquement pas être lourd.

 

Uprising - 1980

 

Le dernier album publié de son vivant, propulsé par le tube discoïde Could You Be Loved. Je l'ai déjà dit, je l'adore. Contrairement à Survival, chaque morceau est très individualisé et différent. Ils sont tous de grande qualité, même Redemption Song que Marley interprète seul à la guitare et qui souffre d'avoir été ânonné par des générations de pénibles musiciens en herbe geignards.

La chanson Real Situation contient ma phrase préférée, qui s'applique à beaucoup de choses: "It seems like total destruction is the only solution".

 

 Lee 'Scratch' Perry

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A l'époque où je découvrais et n'aimais pas encore beaucoup le reggae, les productions Lee Perry m'obligeaient tout de même à en écouter. J'étais complètement obsédé par le son des albums enregistrés dans son studio "Black Ark" entre 1974 et 1979 (date à laquelle il incendia son studio pour des raisons restées inexpliquées).

Lee Perry est un personnage très étrange, mi-escroc mi-elfe malicieux. Je l'ai vu plusieurs fois en concert (il a aujourd'hui presque 70 ans) et je suis à chaque fois sorti stupéfait. Euh!!! Accompagné par un groupe réduit au minimum (batteur, bassiste, guitariste et éventuellement un clavier), déguisé en roi de pacotille, portant couronne, des CD collés sur ses vêtements, brandissant un sceptre phallique et, pour faire bonne mesure, un énorme joint, il sautille tel un démon et éructe de sa voix éraillée un reggae délirant. Sa voix aigre, les morceaux longs et répétitifs rendent l'ensemble relativement pénible, mais A CHAQUE FOIS, A UN MOMENT DONNE, se produit la chose suivante: la mayonnaise prend d'un seul coup, une communication extra-sensorielle s'instaure avec les spectateurs hypnotisés, et Lee Perry devient pour quelques morceaux l'incarnation du groove sur Terre. Rien n'est réellement différent pourtant, mais tout paraît soudain limpide, tout prend sens, tout est rythmique. Au bout d'un certain temps, tout rentre dans l'ordre et le concert se termine laborieusement comme il avait commencé. Je n'exagère pas, ces minutes de folie sont parmi les plus intenses qu'il m'ait été donné de voir à un concert.

Toutefois Lee Perry n'est ni vraiment un chanteur, ni vraiment un musicien (il a cependant signé ou cosigné un grand nombre des chansons...), mais un producteur. Pas un showman, mais un homme de l'ombre (à l'énorme personnalité).

Lorsqu'il enregistre Bob Marley de 1970 à 1972, il a dix ans de plus que lui, a roulé sa bosse dans pratiquement tous les studios de Jamaïque, et a eu des succès locaux et internationaux (en Angleterre ses disques sont distribués par Trojan) avec son groupe The Upsetters (comprenant les frères Barrett, futurs Wailers, à la rythmique). Ces morceaux, des instrumentaux au rythme rapide et dansant, sont irrésistibles. On peut les trouver sur plusieurs albums Trojan, dont le premier est The Return Of Django (1969).

Avec Bob Marley, il commence à expérimenter. Il ralentit le tempo, dépouille les arrangements au maximum, les noie dans d'énormes réverbérations et échos, place la basse qui vrombit et la hi-hat qui siffle bien en avant du mix, et saupoudre le tout de bruits incongrus (grincements de portes, meuglements de bovins). Il obtient ainsi un son unique, qu'on peut tenter de décrire en mélangeant les mots "distordu", "spatial", "psychédélique", "tribal", "futuriste"... mais le mieux est d'écouter.

Dans son Black Ark Studio personnel, Lee Perry perfectionnera ce son, armé d'un magnétophone rudimentaire et de quelques effets qu'il saura utiliser avec génie. Il s'entoure des meilleurs musiciens jamaïcains (les bassistes Boris Gardiner et Robbie Shakespeare, le batteur Sly Dunbar, les guitaristes Earl 'Chinna' Smith et Ernest Ranglin...) pour enregistrer des albums qui sont pour de nombreux artistes leurs meilleurs... Je parlerai ici des albums et des quelques compilations que je connais.

 

Lee 'Scratch' Perry - Reggae Greats - 1980

 

La porte d'entrée de l'univers de Lee Perry. Cette vieille compilation Island regroupe 10 titres extraits d'albums d'artistes enregistrés par Lee Perry pour le label en 1976. Tous les morceaux sont des classiques, certains très pop (Party Time des Heptones), d'autres plus soul (To Be A Lover, par George Faith), d'autres encore véhiculant un message politique (Police & Thieves de Junior Murvin, chanson reprise par les Clash, ou War Ina Babylon de Max Romeo). Mais mes titres préférés sont les incroyables Soul Fire et Roast Fish & Cornbread, reggae surréalistes "chantés" par Lee Perry himself.

Ces chansons enregistrées sur du matériel qu'on pourrait pratiquement qualifier d' "amateur", en remontrent encore aujourd'hui aux productions plus coûteuses. Mais entre nous, ça ne m'étonne pas.

 

Lee 'Scratch' Perry - Arkology – 1997

 

Cette compilation Island de 3 CD contient 52 morceaux enregistrés au Black Ark Studio entre 1976 et 1979. Certains sont présents sur Reggae Greats dont c'est un peu la version longue. Elle est accompagnée d'un livret rempli d'informations très précises (dont je me suis servi ici), de photos édifiantes et de citations hilarantes du maître (par exemple, un fac-similé d'un télégramme envoyée en 1980 par Lee Perry au ministre de la justice japonais pour intercéder en faveur de Paul McCartney, arrêté en possession de 250 grammes de cannabis à l'aéroport: "Please do not consider the amount of herbs involved excessive. Master PAUL McCARTNEY's intentions are positive").

L'ennui avec cette anthologie c'est que la sélection est parfois fatigante. 5 versions de Police & Thieves les unes derrière les autres sur le CD 2 par exemple! C'est un bon riddim mais quand même... Du coup le troisième disque, plus varié, a ma préférence. Cependant ces choix ne sont pas complètement idiots, ça permet de mettre en évidence le fait qu'en Jamaïque, pour des raisons d'abord économiques, Lee Perry, comme tous les producteurs, n'hésitait pas à réutiliser des bandes instrumentales pour enregistrer de nouvelles chansons. Cette récup' constante, prétexte à remixage, c'est le dub, que Lee Perry n'a pas inventé (cette distinction revient à King Tubby) mais dont il est un des maîtres.

Quelques sommets:
- Don't Blame On I et Congoman, chantés par le duo vocal The Congos.
- In These Times, adaptation ironique du Summertime de Gershwin ("In these times, the living ain't easy") chantée par Errol Walker, qui interprète aussi un excellent John Public.
- Vibrate On avec Augustus Pablo au mélodica.
- Curly Locks, chanté par Lee Perry, même si ce n'est pas la meilleure version de ce merveilleux morceau. Je préfère celle interprétée avec une grande douceur par le méconnu Junior Byles, qu'on trouve sur le coffret 4 CD Island Tougher Than Though, The Story Of Jamaican Music ou sur Curly Locks, anthologie du chanteur éditée par le label
Heartbeat qui semble hautement recommandable.

 

Jah Lion - Columbia Colly – 1976

 

Les morceaux de cet album sont tous ornés du toasting (sorte d’ancêtre du rap, mais arythmique) du DJ Jah Lion.

Cet album est soi-disant la première production Lee Perry à être publiée par Island, mais vu le tracklisting c’est bizarre. Derrière la voix de Jah Lion, on reconnaît, vaguement triturés, des instrumentaux des Upsetters: Wisdom = Words Of My Mouth, Flashing Whip = Kentucky Skank. Il y a également des reprises: Hay Fever, adaptation humoristique de la célèbre chanson Fever ("you give me fever, fever in the morning and fever all through the night") où les grincements de portes s'en donnent à cœur joie, et Sata, relecture de la célébrissime chanson Satta Massagana des Abyssinians. Et il y a enfin des instrumentaux tirés des albums de George Faith (Little Sally Dater = To Be A Lover) et Junior Murvin (Soldier & Police War = Police & Thieves bien sûr), produits par Lee Perry et censés être sortis un an plus tard.

Enfin bref, c’est un bon album, mais les versions présentées n’apportent pas grand’chose de plus que les chansons originales... Ce n’est pas forcément la meilleure façon de découvrir l’œuvre de Lee Perry.

 

Max Romeo & The Upsetters - War Ina Babylon – 1976

 

Le chanteur Max Romeo aurait aimé devenir un autre Bob Marley, mais il n'a jamais réussi à percer durablement hors de Jamaïque. En activité dès les années 60, il sortait pourtant tube sur tube (dont Wet Dream, carton en Angleterre en 1969).

L'album War Ina Babylon produit par Lee Perry est certainement son magnum opus. S'inspirant des chanteurs soul américains comme Marvin Gaye ou Curtis Mayfield qui, dans les 70s, sortaient des concept albums politiquement engagés, il en est l'équivalent reggae. La qualité des chansons, la beauté des mélodies et l'intensité de l'interprétation forcent l'admiration. Il contient les immortelles One Step Forward, I Chase The Devil, War Ina Babylon et Norman (qu'on retrouve toutes sur la compilation Arkology, dans des versions parfois extended). Personnellement j'ai une petite faiblesse pour Uptown Babies Don't Cry, poignant constat d'injustice sociale.

La mise en son est peut-être plus sage que sur d'autres productions, mais le côté bizarre est assuré par les titres finaux (Tan And See, Smokey Room, Smile Out A Style). La musique devient soudain plus répétitive, le sens des paroles moins clair (en tous cas pour moi!), et je trouve que ce changement inattendu donne de la profondeur au disque.

 

The Upsetters - Super Ape - 1976

 

Une des meilleures productions de Lee Perry! Et pourtant cet album signé par son groupe est très similaire dans son principe à celui de Jah Lion.

On reconnaît ainsi des versions d’instrumentaux utilisés ailleurs: Croaking Lizard et Black Vest utilisent respectivement les riddims de I Chase The Devil et War Ina Babylon de Max Romeo. D’autres morceaux ont probablement été spécialement enregistrés pour le disque, mais je ne saurais le jurer. Quoi qu’il en soit Lee Perry y empile de multiples percussions, voix et bruits divers pour créer un disque fleuve, un monde sonore captivant qui invite à une écoute en boucle pendant des heures (l'album dure un peu moins de 40 minutes...)

De cette jungle se détachent l'incroyable ouverture Zion's Blood, vénéneuse psalmodie portée par des percussions hypnotiques, Underground dont la guitare wah-wah rappelle vaguement le Shaft de Isaac Hayes et le dernier morceau, Super Ape, rempli d'étranges sifflements. Est-ce une flûte à bec?

 

Junior Murvin - Police And Thieves - 1977

 

Sorte de jumeau de War Ina Babylon, ce disque est un autre classique dans le genre "album de chanteur produit par Lee Perry". L'utilisation des effets est un peu plus lourde que sur l'album de Max Romeo: phaser et écho donnent aux cuivres et à la batterie un son très caractéristique.

Comme sur War Ina Babylon, le propos est principalement religieux et/ou politique, il n'y a qu'à lire les titres des chansons: Police And Thieves, Solomon, Rescue Jah Children... False Teachin' contient par exemple les vers classiques (et très cliché...) "The teachers teach their lies, the preachers establish it high, Babylon makes the wine to blow the children's minds".

Ces mots sont toujours portés par de bonnes mélodies. Mais Junior Murvin est un chanteur dont la particularité est de chanter uniquement en falsetto et je trouve sa voix, très belle au demeurant, un peu lassante. Les deux dernières chansons, Workin' In The Cornfield et I Was Appointed, peut-être les plus fortes du disque avec le morceau titre, remettent cependant les pendules à l'heure.

 

The Heptones - Party Times - 1977

 

Je n'ai pas cet album! Il est disponible uniquement en import US. Les Heptones sont un des trios vocaux les plus célèbres du reggae, et cette collaboration avec Lee Perry est réputée être leur meilleur disque. Si vous le trouvez, n'hésitez pas.

De même, Reggae Greats, Super Ape (ne confondez pas avec Return Of The Super Ape qui est nettement moins bon) et Police & Thieves sont difficiles à trouver.

 

The Congos - Heart Of The Congos - 1977

 

La plus belle production Lee Perry est peut-être cet album du duo The Congos (Cedric Myton et Roy 'Ashanti' Johnson). A l'époque pourtant, contrairement aux disques précédents, il n'était pas sorti sur Island et n'avait du coup pas passé les frontières jamaïcaines. On se demande bien pourquoi...

Les voix caressantes des deux chanteurs sont rehaussées d'harmonies vocales assurées en particulier par les Meditations (un trio vocal dont on trouve quelques morceaux sur Arkology). La force des divines mélodies des chansons est décuplée par un traitement sonore génial. La réussite de cet album tient vraiment dans le contraste entre la spiritualité, la ferveur émouvantes du chant et les expériences constamment surprenantes de la production, dans le choc entre l'univers rasta, mystique, roots des chanteurs et celui "technologico-primitif", abstrait, conceptuel de Lee Perry. Les morceaux, assez longs, commencent relativement normalement puis à mi-parcours les manipulations de Lee Perry volent la vedette aux chanteurs: la version dub est incluse dans la chanson elle-même.

Mes titres préférés sont le diptyque d'ouverture Fisherman / Congoman aux rythmes irrésistibles, Can't Come In avec ses superbes harmonies, The Wrong Thing aux percussions touffues, Ark Of The Covenant, évocation de l'arche de Noé ("a few of everything we save in the ark, even the ants in a Noah sugar pan") sur une musique complètement cinglée... mais tout est du meilleur niveau.

Contrairement aux albums Island dont je possède des versions un peu anciennes, mon exemplaire de ce disque est publié par l'excellent label de rééditions reggae Blood And Fire (cofondé par le chanteur de Simply Red, si si). Le remastering, réalisé à Abbey Road par les meilleurs spécialistes à partir des bandes originales, est d'excellente qualité. On entend tous les détails sonores, aucune percussion, aucun bruitage n'échappe à l'oreille et même pour moi qui ne suis absolument pas audiophile ça fait une sacrée différence. Pour chipoter, je dirais que la seule critique qu'on peut faire aux rééditeurs est que la pochette (une espèce de nature morte octogonale) est moche. C'est dommage parce que celle de la première édition jamaïcaine, représentant les Congos jouant des percussions, était très chouette. Mais sans doute est-ce pour se différencier des nombreuses versions plus ou moins pirates qui traînent.

 

 Prince Far I

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Je me rappelle très bien la première fois que j'ai entendu Prince Far I. C'était à une fête, il y avait plein de monde que je ne connaissais pas, j'étais très jeune et intimidé... Quelqu'un a mis Cry Tuff Dub Encounter, Chapter One. Pour ne pas dévoiler des pans de ma vie privée, disons que j'associe ce disque à la découverte de l'inconnu. Le reggae était alors pour moi une musique inoffensive, et Cry Tuff... m'a impressionné par sa noirceur et sa densité.

Comme Lee Perry, c'est un des artistes reggae dont les disques m'ont plu de façon immédiate. Ce n'est pas franchement étonnant, car son reggae n'est pas "pur" comme peut l'être celui de Burning Spear ou des Abyssinians, mais chargé d'échos de punk rock et de new wave. Et ce n'est pas fortuit: il a travaillé en Angleterre, notamment avec Adrian Sherwood qui était en quelque sorte son disciple et qui, à travers le label On-U-Sound, a contribué tout au long des années 80 a l'essor d'une vision anglaise du dub.

Je ne connais pas du tout les disques On-U-Sound, qui sont signés par des artistes comme African Head Charge, Dub Syndicate, Tackhead, Gary Clail... J'ai cependant l'impression qu'ils ont ouvert la voie à de nombreux artistes européens qui se réclament du dub (je pense aux Français Zenzile, High Tone ou Improvisators Dub, au groupe anglais Asian Dub Foundation, aux Autrichiens Kruder & Dorfmeister...) tout en mêlant à leurs influences jamaïcaines de la techno, du rock, du hip hop... Quoi qu'il en soit, ce label pionnier a engendré au début des 90s le sous-label de rééditions reggae vintage Pressure Sounds (concurrent d'égale qualité de Blood And Fire) qui a ressorti certains albums de Prince Far I, bouclant ainsi la boucle...

Prince Far I était d'abord un toaster a la voix incroyablement grave (on le surnommait voice of thunder), pas du tout porté sur la gaudriole: ses textes sont soit des sermons religieux rastas, soit des homélies anti-cocaïne (véritable fléau en Jamaïque), soit des peintures apocalyptiques de guerre nucléaire. C'est sur ce dernier point que Prince Far I se rapproche de Black Sabbath (qui eux aimaient bien la cocaïne). Question d'époque: le monde était alors en pleine guerre froide... Mais il était aussi producteur, et sa musique est à l'image de sa voix, touffue et sombre. Contrairement au dub de King Tubby qui est plutôt un (génial) travail d'ingénieur du son, utilisant comme matière première des chansons reggae "traditionnelles" déjà gravées sur le vinyle, la musique de Prince Far I est un dub créé ex nihilo par lui et ses musiciens.

Je dois avouer que je préfère largement ses albums purement instrumentaux, mais je ne suis pas un énorme fan de toasting.

Prince Far I a été assassiné en Jamaïque en 1983 à l'âge de 39 ans, apparemment alors qu'il était en train d'effacer des tags sur le mur de sa maison.

 

Cry Tuff Dub Encounter Chapter I - 1978

 

LE album de dub instrumental, en tous cas un de mes albums préférés de tous les temps...

J'avais ce disque dans la version éditée par le label ROIR américain, et on pouvait lire sur la pochette: "overdubbed by Adrian Sherwood and Dub Syndicate". Je me demandais bien ce que ça voulait dire. Depuis, je l'ai perdu et j'ai dû racheter la réédition Pressure Sounds, qui a une pochette différente (réplique de la pochette originale apparemment, sur laquelle le nom de Prince Far I n'apparaît pas, remplacé par nom du groupe "The Arabs").

Le livret de la réédition est riche d'informations, donc que je vous explique: l'album contient dix pistes instrumentales dont les riddims de base (basse/batterie/guitare rythmique) ont généralement été réalisés en Jamaïque, puis triturés et augmentés de nouveaux enregistrements (les fameux overdubs) en Angleterre.

Les morceaux se succèdent et se ressemblent à la première écoute: une énorme basse faussement répétitive, une batterie à la fois métronomique (le hi-hat) et imprévisible (le reste), forment une charpente sur laquelle vont et viennent des instruments et bruits variés, filtrés par divers effets, créant une version plus "moderne", "froide", "épurée", de la jungle musicale de Lee Perry dont je parlais dans le paragraphe Super Ape.

Les morceaux semblent se ressembler, mais ils ont tous une identité propre qu'on découvre au fil des écoutes... C'est un album hautement addictif, où le moindre son, le plus dérisoire bruitage tombe juste et fait sens. La beauté de cet album découle de l'adéquation entre l'excellente interprétation et les triturations sonores à la fois audacieuses et sobres. Il faut donc louer le talent de producteurs de Prince Far I, Adrian Sherwood, et surtout celui des musiciens (on retrouve certains membre des Arabs sur d'autres disques sous le nom Roots Radics).

 

Dubwise - 1991

 

Ce disque de la série Virgin Front Line (albums rouge-jaune-vert avec un dessin représentant un poing sanguinolent serrant un fil de fer barbelé - du meilleur goût!) contient l'album Cry Tuff Dub Encounter Chapter II datant de 1979, plus 8 inédits.

Les titres inédits, qui ouvrent le disque, alignent versions toastées et versions dub. C'est un peu redondant... tous les morceaux sont corrects, sans être géniaux, mais encore une fois le toasting n'est pas ce que je préfère...

Et les morceaux du Chapter II? C'est dans la même veine que le Chapter I, en moins réussi à mon avis car trop répétitif: les deux premiers morceaux, Suru-Lere Dub et Anambra Dub, sont basés sur le même rythme, un riddim est tiré du chapitre un (Borno Dub = A Message), et de manière générale les lignes de basse sont moins subtiles. Cela dit, si vous avez adoré le premier chapitre, ça risque de vous plaire aussi...

 

Cry Tuff Dub Encounter Chapter III - 1980

 

Très différent! Beaucoup mieux! Dès l'introductif Plant Up, toast audacieux (un peu fastidieux) qui se transforme soudain en instrumental rehaussé de rafales de bruits inquiétants, le fan de musique bizarre se régale!

C'est sur cet album que des influences punk et new wave se font entendre le plus nettement. Ce n'est bien sûr pas exactement un disque rempli de guitares saturées, mais dans l'ensemble les morceaux me semblent plus nerveux et rapides que sur les chapters précédents. Ainsi Black Weh et Mansion Of Invention ("Nuclear weapon is a disease") possèdent une (relative) violence rock qu'on trouve rarement sur un disque de reggae. The Conquest utilise le genre de sons de batterie électronique qu'on entend sur 17 Seconds de Cure. Sur Shake The Nation, les membres de Slits (groupe punk féminin) chantent une étrange plasmodie à la gloire de Prince Far I.

Ceci contraste avec des morceaux plus apaisés, rehaussés d'une flûte légère apportant un côté presque ambient (Final Chapter, Homeward Bound).

 

Black Man Land - 1990

 

L'autre disque Virgin Front Line consacré à Prince Far I mélange les titres des albums Message From The King (1978) et Livity (1981).

Derrière les toasts de Prince Far I, on reconnaît de nombreux riddims des chapitres de la série Cry Tuff. Je ne m'éternise pas, je l'ai déjà dit deux fois, ce n'est pas ma tasse de thé. Les musiques sont mixées très en arrière de la voix (la qualité du son du CD n'est d'ailleurs pas exceptionnelle), et les discours de Prince Far I me donnent parfois l'impression d'être à la messe. Les titres de Message From The King me paraissent cependant meilleurs que ceux de Livity, sur lequel le Prince a l'air un peu fatigué. Ou alors c'est moi...

 

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